« Regard sur »
Les créations iconographiques de Gilles Orgeret déconcertent par leur étrange réalisme et posent tout un ensemble de questions :
que voyons-nous ? de quel moyens de fabrication procèdent-elles ? sont-elles immatérielles ? (transformations informatique ), matérielles ?(l’objet final est-il une photographie ?), que signifient-elles ?
La plupart d’entre elles, cependant, semblent bien avoir un référent traditionnel voire classique ! Celui de l’univers de la peinture, celui du tableau, dans sa tradition représentative. On pense à A.Canaletto, F.Guardi…
En utilisant les codes de la perspective centrale, il crée l’ illusion de « creuser » la surface du plan et suggère un espace à trois dimensions volontairement fortement structuré !
Gilles Orgeret y inscrit, alors, une scénographie poétique et symbolique, constituée d’éléments de nature, d’architecture, de personnages, véritable langage codé nourri de ses propres moments de vie. Tel, « le Vaisseau fantôme » dans lequel surgissent deux verticales de couleur ( l’une verte et l’autre rouge)en référence aux codes internationaux de la navigation maritime.
« Processus »
Les outils contemporains lui permettent alors de réaliser successivement, avec une patiente et sensible minutie, les opérations constructives de « séparation » et « d’assemblage ».
« Comme je suis là, je clique ! » dit-il
Depuis ce tout premier clic ! photographique – émotionnel - instant où l’image est extraite de son contexte de réalité ; au détourage informatique, instant où la forme est sélectionnée pour devenir matériau d’un tout encore in-connu, la séparation est à l’œuvre.
C’est, en puisant dans ce magasin de formes – en attente – que Gilles Orgeret commence alors le processus intime et tâtonnant, de la mise en relation des formes entre elles, visant à la (re)construction de l’espace scénique imaginé (assemblage).
« Je ne sais jamais ce que je vais faire ! le sujet global m’apparaît au fur et à mesure que les formes se mettent les unes avec les autres, devant-derrière- à côté ! »
Lectures - balades - rencontres - souvenirs-obsessions…, tour à tour, sont les vecteurs de cette mise en résonances.
Mais Gilles Orgeret se joue aussi des codes ! Se glissent ,alors, ou se percutent, parfois, les fractures d’espaces, les ruptures d’échelle, d’ambiance qui dynamisent la perception de l’ensemble – le regard fuse vers l’horizon, se perd, revient avec la voile ou bute sur le rideau rouge ! pour mieux s’échapper vers…
« Devant l’image finale »
C’est l’invitation aux voyages du regard, de l’émotion, au cours desquels les espaces « emboîtés » nous font visiter, par là même, les temps de sa mémoire.
Annie Munier-Fleury